“Je suis nulle en dessin mais alors vraiment nulle. Franchement je dessinerais plus mal qu’un enfant. Je ne sais pas dessiner et j’écris très mal parce que j’étais gauchère quand j’étais petite. A l’époque, on n'avait pas le droit d’écrire de la main gauche. Fallait écrire de la main droite, si t’écrivais de la main gauche tu recevais des coups de règles… Et j’écris très très mal. Je fais encore des choses de la main gauche, lancer un ballon par exemple. Mais écrire, on m’a tellement mis de coups que j’écris de la main droite et très mal.”
Claudine nous raconte cela à la toute fin de notre discussion, au moment de nous montrer ses photos. Comme pour s’excuser par avance de son écriture. Nous avons dû demander plusieurs fois : “Comment ça, vous n’aviez pas le droit d’être gauchère ?”. Oui, ça nous a paru un peu fou ! Elle écrit de la main gauche, et alors ?
C’est au ton de la voix de Claudine que nous a avons compris quelle était la réalité des enfants gauchers à l’époque. La violence avec laquelle elle a été “ré-éduquée” est telle, qu'aujourd'hui encore elle n’ose pas écrire de sa main gauche. Elle préfère utiliser la droite, quitte à écrire très mal.
La petite tasse historique :
Le côté gauche est associé au mal depuis des siècles. Dans la Bible, les bons croyants vont à la droite de Dieu et les mauvais iront à gauche, en enfer. En 1703, Jean-Baptiste de la Salle, créateur des écoles lasalliennes, publie un ouvrage qui codifie le comportement des enfants à l’école. Il y interdit l’utilisation de la main gauche car réservée au basses besognes (se moucher, s’essuyer aux toilettes…), alors que la main droite est faite pour saluer et écrire. Ce livre restera un ouvrage de référence pour de nombreuses écoles jusqu’au XXème siècle.
Ainsi, jusqu’aux années 1960, les instituteurs et institutrices combattent cette particularité et interdisent l’écriture de la main gauche aux enfants. Pour faire rentrer le “bon comportement” chez les enfants, on utilise souvent la violence : coups de règles, punitions, humiliation, etc. On en vient parfois même à attacher la main gauche dans le dos de l’enfant.
Une cuillère à café de chiffres :
La population des gauchers représente entre 10 et 15% de la population mondiale. Ça en faisait des enfants obligés d’écrire de la main droite...
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