"[En assistant à l’accouchement] d’abord, l'homme se rend compte par où on passe quand même. Avant il arrivait et le bébé était là, tout beau et la mère était un peu dans les vapes…". Ainsi Claudine nous raconte que, lors sa 3ème grossesse dans les années 1970, son mari a pu assister à l'accouchement, alors qu'elle était seule avec les sages-femmes pour les deux premières naissances. “Pour lui, c’était extraordinaire”, nous raconte-t-elle. "Bon, il perdait un peu les pédales, il trouvait plus la poire pour appeler l'infirmière (rires)". La poire… Voilà quelque chose qui n’a pas beaucoup changé… Sans parler de monsieur qui perd un peu les pédales !
C’est drôle, Claudine est la première à nous parler de son mari au moment où elle raconte son accouchement. C’est elle qui nous a fait prendre conscience qu’aucune n’avait jamais mentionné le père. L'accouchement, elles s’en souviennent toutes parfaitement et en font le récit assez facilement, mais c’est toujours une épreuve au “je” et un récit singulier. On ne s’est jamais dit qu’il était possible que les hommes ne soient pas présents. Pour nous deux, bercées aux films et séries des années 2000, l’homme est dans la salle d’accouchement à tenir la main de la mère et lui dire “Pousse ma chérie, ça va aller !”. Alors quand Claudine nous dit que son mari peut enfin y assister en 1970, on se rend compte que nous n’avions jamais parlé des pères avec les autres femmes. C’était inimaginable pour nous qu’elles donnent naissance seules.
La petite tasse historique :
En Occident, l’accouchement a longtemps été perçu comme “une affaire de femme”, ne laissant aucune place à l’homme dans ce processus. Dans les années 1930, les accouchements à l'hôpital débutent mais les sages-femmes pratiquent encore beaucoup d’accouchements à domicile dans les campagnes et dans les milieux bourgeois urbains. Naître à l'hôpital, c’est pour les pauvres !
Dans les années 1950, la pratique se généralise et peu à peu devient la norme. Il est très rare que le mari soit accepté à l’hôpital, souvent la femme y entre seule et le quitte avec un mari qui vient rencontrer l’enfant.
À la fin des années 1950, l’accouchement sans douleur commence à apparaître en France sous l’impulsion du Docteur Lamaze. C’est en partie grâce à la démocratisation de cette technique que l’homme est convié à prendre sa place dans la salle de travail. Il est invité à participer à la préparation physique et psychologique pour diminuer l'anxiété et la douleur des femmes.
En 1970, on effectue les premières échographies médicales. C’est un changement important les futurs parents. Il s'agit d'un moyen plus concret pour les hommes pour se projeter « pères ». Dès 1982, huit séances de préparation à la naissance sont prises en charge par l’assurance maladie, les pères y sont conviés et cela les implique davantage. L’évolution de la place du père continue jusqu’à nos jours avec les avancées récentes concernant l'allongement du congé paternité.
Le biscuit d’actualité :
Pendant la crise sanitaire du coronavirus début 2020, certaines maternités en France demandent aux futures mères d’accoucher seule, sans leur conjoint•e. L’OMS a cependant rappelé l’importance de laisser aux mères le choix de se faire accompagner ou non et qu’il fallait préserver cela coûte que coûte. On a une pensée émue pour toutes celles qui n’ont pas eu ce choix il y a 70 ans, et qui ne l’ont pas aujourd’hui.
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