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Femme au volant, liberté au tournant ⚡️

Dernière mise à jour : 6 avr. 2020


“Voilà ce que je voulais : parler anglais, jouer au bridge et avoir un permis de conduire.”

C’était ça être une femme du monde pour la Marianne de 17 ans, son tiercé gagnant en 1947.


Elle ajoute avec son rire malicieux : Bon, la conduite c’était un peu plus simple que les deux autres… J’étais amoureuse de celui qui donnait les cours de conduite, alors ça coûtait pas cher ! On faisait des manoeuvres le soir, dans la forêt de préférence, c’était plus facile !”. Quel numéro cette Marianne. Le coup du moniteur de conduite, tellement prévisible !


Quand Marianne nous dit que c’était plus facile de passer le permis que de faire les deux autres, ça nous a quand même longuement questionnées. Pour toutes les femmes avec qui nous avons échangé, la liberté de déplacement est souvent liée à la liberté qu’elles avaient dans leur couple.


Or, si l'on rit jusqu’aux larmes en pensant aux cours de conduite de Marianne, notre coeur se serre en repensant à Mado qui nous racontait : “Quand je lui disais : “Je veux apprendre à conduire.”, il me répondait : “Pourquoi tu veux apprendre à conduire ? On n'a pas les moyens de se payer une deuxième voiture et quand on sort, on sort ensemble.Longtemps cette phrase est restée dans nos têtes. Pour nous, c’est une illustration parfaite de la volonté de certains maris de conserver une emprise sur leur femme en contrôlant sa liberté de mouvement. Ce raisonnement est parfaitement rationnel : si on sort, on sort ensemble. Bien sûr, logique. Donc pourquoi avoir deux permis ? La raison est pourtant simple : “parce que conduire, c’est être libre”. Mais la liberté, ça ne plaît jamais à tout le monde.


Mado, c’était notre premier entretien, la première fois que l’on prenait le temps de parler franchement à une femme née avant 1950. Nous nous souvenons encore de son “on était soumises quand même” qui était sorti comme ça, sans crier gare, elle l’avait presque regretté, sans comprendre pourquoi elle avait dit cela. C’était comme si nous parler de son envie de conduire, à tout prix, et de son impossibilité de le faire, avait fait resurgir du passé une colère forte qui devait sortir. Peut-être que Mado aussi avait une vision du tiercé gagnant de la femme moderne dont elle rêvait... Ce qui est certain, c’est que conduire en faisait partie. Conduire c’est pouvoir partir.



La petite tasse historique : Il faut savoir qu’en France, les femmes ont conduit bien avant d’avoir le droit de vote. La première femme à avoir “le permis de capacité”, ancêtre du permis de conduire, était une Française : Marie Adrienne Anne Victurnienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart, duchesse d'Uzès. C’était en 1898. Trois ans plus tard, elle devient même la première à recevoir une contravention pour avoir atteint 15 km/h dans le bois de Boulogne. Marie, elle avait le sang des conquérantes, c’était tout de même l’arrière petite-fille de la veuve Cliquot ! Reste à savoir si elle aussi avait eu un faible pour le ou la garagiste !

« La Duchesse d’Uzès brevetée ! Mon Dieu oui, et conducteur d’automobile encore ! Voilà une nouvelle véridique qui étonnera bien des gens ! » annonce La Vie au grand air du 15 mai 1898.



Une cuillère à café de chiffres : C’est important de savoir quand les femmes avaient le droit de conduire, mais quand il s’agit des femmes il faut toujours aussi regarder les chiffres. Entre avoir le droit et exercer ce droit concrètement, il y a souvent “quelques” années de différentiel. En 1926, 4500 femmes avaient passé le permis contre 50 000 hommes, soit 8% de femmes candidates. En 1965, les femmes représentent pour 40% des automobilistes. La balance se rééquilibre enfin en 1976, lorsque la part des femmes et des hommes arrive à 50-50.



Le biscuit d’actualité : Si conduire est une telle source de liberté pour nos grands-mères, elle l’est pour l‘ensemble des femmes de la planète. Chaque pays a donné ce droit plus ou moins tard aux femmes et c’est seulement en 2018 que l’Arabie Saoudite autorise les femmes à obtenir le permis et donc à se déplacer librement et seules dans un véhicule motorisé ! Si seulement Marie Adrienne pouvait voir ça, elle nous offrirait une coupette de champagne pour trinquer !


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